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Contexte

« Les disciplines scientifiques qui se réfèrent à la carte mentale sont toujours plus nombreuses » (Ramadier, 2017) et les méthodes de recueil de plus en plus variées, entremêlant souvent des modes hybrides entre la représentation mentale ou cognitive, liée à la représentation sociale et à l'imaginaire collectif (Gould & White, 1974 ; Lynch, 1976 ; Downs & Stea, 1977 ; Kitchin, 1994 ; Brassac & Le Ber, 2005 ; Bourion, 2005), le parcours commenté (Thibaud, 2003), le dessin réflexif (Molinié, 2009), le Jeu (JRS - Ramadier & Bronner, 2006 ; Prampolini, 2013 ; Fleur, 2014), l’enquête visuelle (Guinchard, 2016), les cartes collectives (Tricot, 2013, 2016)... Dans ces représentations spatiales, l’espace est un cadre – géographique, certes, mais également un espace social, de pratiques (choix de carrières, appropriation des usagers d’un CHU, éducation, etc.), psychologique, cognitif, politique, artistique, identitaire, symbolique, etc. Les domaines concernés sont donc de plus en plus divers (Tremblay, Cordeau, Kaczorwoski, 1993 ; Felonneau, 1994 ; Haas, 2004 ; Breux, Loiseau, Reuchamps, 2010 ; Chapon, Beuret & al., 2010 ; Depeau & Ramadier, 2011 ; Lord & Després, 2012 ; Dernat, Johany, Lardon, 2016).

La carte mentale est une représentation spatiale qui fait état de ces interrelations entre l’individu et l’espace tel que ce dernier l’appréhende. Dans la façon de représenter l’espace, la géolocalisation est encore souvent envisagée dans le cadre d’un espace-étendu déjà là. Cette convergence vers la carte géographique est-elle la seule méthode de géolocalisation possible ? Ne nourrit-elle pas l'idée que l'espace géographique n'est qu'un support (de pratiques quotidiennes comme de pratiques scientifiques) plutôt qu'un cadre (au sens de Goffman, 1991) du fait que ce « déjà-là » (id.) ne permet pas toujours de le penser comme une construction ? Peut-on imaginer des systèmes d’information « sociologiques » ou « psychologiques » dans lesquels la (géo)localisation ne soit pas systématiquement rabattue vers la carte topographique pour analyser les représentations de l'espace des personnes ?

Si ces représentations sont progressivement envisagées comme des constructions sociales, les méthodes de réalisation et de restitution sont rarement collectives (Ramadier, ib.). Dans de nombreux exemples, l’espace est lié principalement aux ressentis individuels (cartes sensibles, affectives) – avec l’aspect subjectif que cela implique. D’où la difficulté d’accéder à des représentations collectives. Verguet (2007) propose d’aborder l’aspect collectif de la représentation en termes de partage et de plus en plus de propositions d’analyse tentent effectivement de s’ouvrir vers des procédures plus collectives. Ces journées de Cartotête seront l’occasion d’évoquer ces méthodes d'analyse qui peuvent contribuer à comparer les représentations spatiales entre elles – de sorte à les envisager d'emblée comme des constructions (sociales) – ou identifier des procédures permettant de construire plus directement des représentations collectives (Dernat, Bronner & al., 2018).

A ce titre, l’usage du numérique, tel qu’il a été notamment capté par la géographie, ouvre donc de nouvelles perspectives. Les informations sont parfois directement inscrites par les usagers, produisant une carte participative et évolutive enrichie par une communauté d’individus qui interagissent sur un même support, avec un intérêt réel dans la recherche-action. Les systèmes d’information géographique (SIG) démultiplient les possibilités de recueil et de traitement de l’information pour décrire les interrelations à l’espace, évaluer les distances, accessibilités, voisinages, centralités... En enrichissant l’information (individuellement ou collectivement) par les affects des populations, leurs ressentis, leurs occupations, leurs représentations sociales, etc., on accroît la diversité et l’intérêt des représentations cartographiques (lieux symboliques, lieux d’ancrage) : Roadmapping[1] ; carte du bruit ressenti à Venise[2] ; projet collaboratif MAPPA (Marchabilité pour les personnes âgées) en 2014 à Montréal ; carte sensible interactive du Grand Paris[3], 2015 ; représentation d’une journée type des américains[4] ; carte des émotions (Muis, 2016)… On relève également des approches artistiques : à l’aide de support numérique ou de maquettes, quelques artistes ont tenté des recompositions de l’espace en jouant avec la topologie des lieux (Armelle Caron, « Les villes rangées[5] » ; Expositions « The Live Creature » à la Kunsthalle de Mulhouse, 2018...).

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